Liqueur mythique, complexe et aromatique composée de 130 plantes, La Chartreuse et son histoire nous transportent au travers des siècles. Aussi énigmatique qu’iconique, elle est l’élixir phare des digestifs qui ont su se déporter aux quatre coins du monde. Plongeons ensemble dans cette liqueur française historique, pour encore mieux la déguster.
L’histoire de la Chartreuse : avant la liqueur, l’Ordre des chartreux
Elle a longtemps attisé la curiosité, et conservé ses mystères. Pour comprendre son apparition, il faut d’abord comprendre celle de l’Ordre des chartreux, un ordre religieux qui a pris place, au 11e siècle, dans le désert de Chartreuse. Saint-Bruno, et ses 6 compagnons, s’y implantent. La devise d’autosuffisance, qui régit cette petite communauté leur impose de trouver eux-mêmes des moyens de subsistance dans leur environnement proche. Et d’autres monastères voient peu à peu le jour, en suivant ces mêmes règles, dont notamment la « Chartreuse de Paris ».
Dans cette forme de vie, et surtout dans ce nouveau monastère, les chartreux côtoient jardins et pépinières, ce qui favorise leur intérêt pour la pharmacopée au fil des siècles. Ils ne vont donc pas tarder à s’intéresser aux plantes médicinales, et vont créer un nouveau « médicament » : l’eau de vie, obtenue après distillation du vin. Utilisés pour leurs vertus thérapeutiques, c’est donc aux moines que nous devons ces premiers élixirs de jouvence, qui en développent alors plusieurs sortes.
Le manuscrit
En 1605, arrivera la toute première mention de notre star du jour. Un document mythique, manuscrit, aux origines restées inconnues. C’est François-Annibal d’Estrées, qui a grande foi en les savoirs et connaissances des chartreux de Paris, qui leur remet le document. Mais que contient-il donc ? Une liste de plantes hétéroclites et des indications quant à la réalisation d’un élixir de « longue vie ». S’en suit alors un travail acharné des chartreux, pour parvenir à trouver l’équilibre parfait de leur nouveau breuvage. Mais sans succès.
Il faudra attendre 1737, pour que le manuscrit rejoigne la Grande Chartreuse, entre les mains de Frère Bruno et Frère André. Ces derniers développent une nouvelle formule. Rouge, pour le moment. Leurs successeurs Frère Jérôme Maubec et ensuite Frère Antoine Dupuy, atteignent quelques années plus tard le résultat final et attendu. À 71° degrés, rien que ça, la nouvelle boisson est désormais plutôt verdâtre.
Dernière date clé de ses prémisses : 1764, où on met une seconde fois à l’écrit le procédé de sa fabrication, dans un nouveau manuscrit de 7 pages, la « Composition de l’Élixir de Chartreuse ».
L’histoire de la Chartreuse : liqueur copiée sans être égalée
L’histoire de la liqueur ne peut être évoquée sans parler de la résilience des moines chartreux. Au cours des 700 premières années, l’Ordre a rencontré catastrophes naturelles, expulsions, contraintes et même errance du manuscrit. Mais dans une résistance saisissante, ils ont su surmonter les vicissitudes et défendre leur liqueur.
1840 marque l’arrivée de deux nouveautés, devenues vedettes imitées, mais inégalées : la Chartreuse Jaune, et la Chartreuse Verte. La jaune est plus douce, à 43°. C’est aussi à cette date que les liqueurs commencent enfin à être commercialisées, sans que la marque ne soit encore déposée. Et elles trouvent volontiers leurs amateurs. Succès rapide, et revenus générés. Les ventes deviennent ainsi le principal revenu du monastère. Et c’est la présence des soldats sur le territoire, en 1848, qui va asseoir d’autant plus cette notoriété naissante ! Ces derniers en parlent, et une multiplicité de contrefaçons se déclenche inévitablement.
Devenue mythique, et internationale
La suite de cette longue histoire sera marquée par l’expulsion des chartreux par une loi de 1901, suite à l’affranchissement des esprits qui souhaite un effacement des religions. Mais vous l’aurez compris, il en faudrait plus pour éteindre la fabrication de l’élixir. Les années qui suivent voient la liqueur accroître sa production, son succès, et appuyer son identité. Dans les années 50, La Chartreuse s’affirme aux quatre coins de l’hexagone, comme à l’international ! Sa signature et son design connaissent un renouveau, et les Pères Chartreux conservent quant à eux ce précieux savoir-faire.
C’est ainsi que jusqu’à récemment, de nombreuses stars mondiales y font références. Bruce Springsteen, les ZZ Top mais surtout Quentin Tarantino. En effet, dans son film “Le Boulevard de la Mort” sorti en 2007, une scène est consacrée à la liqueur, et cette phrase : “Chartreuse, the only liquor so good they named a color after it”. À l’instar de presque tous les films du réalisateur depuis, on trouve une bouteille de chartreuse dans tous les bars outre-atlantique, non loin des VSOP de Cognac, bien sûr.
Longue histoire, étalée sur 900 ans d’existence, et qui témoigne de la résilience sans pareille des moines chartreux. Avec 4 siècles d’histoire quant à elle, la Chartreuse est le trésor secret qu’il nous ont laissé. Le digestif ne se présente plus, continuant d’évoluer en bouteille, et d’offrir une expérience de dégustation complètement unique !
Saviez-vous que le plus grand monastère chartreux visitable se situe dans l’Aveyron ?